dimanche 9 juillet 2017

JEU 27 : La belle au banc dormant


 
photo de l'auteure


 
Il était une fois un dentiste veuf qui s’appelait Maurice. 
Il officiait dans la bonne ville de Marseille-sur-Mer. Tout allait bien pour lui, ses affaires tournaient rond. 
Sa fille Judy faisait des études d’océanographie à Luminy, une extension trois points zéro de la ville. 
Le goût de la mer lui était venu en fréquentant sa meilleure amie Ariel,
 une jeune femme mystérieuse née sous le signe des poissons. 
Judy devenait chaque jour plus ravissante, avec son sourire forcément parfaitement éclatant. 
(Rapport à son père, qui, si vous suivez bien...)

Or, au bout d’un moment (et parce qu’il faut bien qu’il y ait à un moment donné une rupture 
dans la situation d’énonciation, sinon on se fait chier grave)  
Maurice eut la mauvaise idée de se remarier avec Pulvilla,  
une DRH au visage carnassier, gaulée comme une Porsche Carrera, 
et au sourire plein d’épines, qu’il avait rencontrée sur Bad Houx.  
Il en avait un peu marre de la solitude, il faut bien le dire, 
et de se tirlipoter le schmilblick tout seul devant Netflix ou Youporn.

 Il demanda à Judy si cela ne la dérangeait pas trop, mais celle-ci lui répliqua qu’à son âge, 
il faisait bien ce qu’il voulait, du moment qu’il n’oubliât pas (comme ça lui arrivait parfois)  
de lui verser des sous sur son livret jeune chaque premier du mois.
Au début, Pulvilla fit semblant d’être la belle-mère parfaite, 
elle dispensait à Judy ses sourires les plus mielleux tous les week-ends, 
tout en lui préparant ses pancakes préférés. 
Elle lui offrit même une fois une serviette éponge de plage personnalisée, 
ornée de rubans et brodée à leurs deux noms qu’elle avait commandée 
chez Edmée de Roubaix en promo.

Mais voilà qu’au bout d’un autre moment 
(nouvelle rupture censée casser le rythme languissant 
de ce conte à la noix de cajou ou de macadamia, au choix) 
Pulvilla tomba, en surfant sur le net, sur un article du Méridional vantant la beauté parfaite de Judy, 
qui venait de remporter le concours de Miss Calanques 
pour se faire un peu de thunes supplémentaires, rapport aux oublis de Maurice 
et surtout au coût faramineux des études supérieures 
dont Maurice n’avait qu’une idée obsolète datant au moins des années 60.

La belle-doche en éprouva un fort dépit qui lui hérissa le poil, 
(pour ne pas dire une colère irraisonnée et mortelle) et versa dans le sirop d’érable de la jeune fille 
une dose létale de méthamphétamines qu’elle se procurait au noir par son jardinier Albert 
qui l’était justement, noir, et lui rendait d’autres menus services 
(enfin quand on dit menus, c’est une litote, rapport à la couleur du jardinier qui, 
selon les poncifs circulant sur le manteau, procure de sérieux avantages centimétriques 
aux individus mâles la possédant. Mais je m’égare). 
Une dose donc capable de mettre un gnou à genoux, voire de l’assommer définitivement.
 Une mégadose.

La pauvre Judy n’eut que le temps de poser son IPhone sur la table 
avant de s’écrouler comme un âne mort sur le carrelage noir et blanc du salon, 
dans un bruit de casseroles. Pulvilla crut que c’était bon.
 Elle fit charger le fardeau dans le coffre de sa BM, et ordonna à Albert 
d’aller la déposer sur un banc très loin de là, entre Peypin et Cadolive 
et en espérant que la maréchaussée la ramassât 
et conclût à la mort par overdose d’une junkie anonyme. 
(Comme vous le voyez, son usage personnel de la meth 
avait altéré le jugement de Pulvilla de façon stupéfiante)

Albert obéit, dans un premier temps, allongea la jeune femme sur un banc, 
et dans un sursaut d’humanité,  lui protégea le visage du soleil pernicieux de la garrigue 
avec sa casquette de chauffeur (oui car il était aussi chauffeur à seize heures) 
Puis il l’enroula, comme dans un linceul, dans l’hideuse serviette de plage.

Mais sur le chemin du retour, pris de remords, 
(et surtout parce que le parfum de la jeune fille lui avait tourné la tête)  il rebroussa chemin,  
retrouva le banc et roula un palot mémorable à la belle qui se réveilla comme par magie 
(Ben oui, c’est un conte, je vous ferai dire) sous la langue experte d’Albert 
qui en pratiquait couramment plusieurs. 
Le sale petit bonhomme à la flèche assassine (vous l'aurez reconnu j'espère) 
venait de faire son travail mieux que Meetic et Attractive World réunis.

Il ne leur resta plus qu’à assigner la méchante pour tentative d’assassinat 
et subornation d’employé de maison.

Puis ils se pacsèrent, eurent 1,82 enfants, 
et vécurent heureux ensemble jusqu’à leur divorce.
.
.







6 commentaires:

  1. hé bé ! ça ne badine pas avec l'amour dans les environs de Marseille-aux-calanques-dormantes !
    cerise sur le gâteau, je me suis demandé jusqu'à la fin qui avait bien pu écrire ce conte déjanté ! et là, surprise : Célestine !!
    :)

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    1. Merci cher Dodo pour ce com qui dépote !
      bises celestes
      ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. alors là j'crois que la fin la plus réaliste vient d'être écrite...par toi MDR
    Hé oui l'amour ses aléas...même sous le soleil les fleurs...rien n'empêche rien!!
    Bravo et très original comme fin
    Bonne semaine

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    1. Un ami pointilleux m'a aimablement fait remarquer que j'aurais dû écrire «séparation « plutôt que divorce...parce qu'on ne divorce pas d'un pacs... Que fait-on alors ? On se dépacse ?
      Bises et merci Virginie
      ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. Un conte réaliste, un conte de faits, un conte plutôt désenchanté...
    mais très drôle !

    Et c'est qui, dis-moi, la belle à la serviette ?

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    1. C'est peut-être moi...
      Merci pour ton appréciation, chère Licorne.
      ¸¸.•*¨*• ☆

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